mardi 7 novembre 2023

Comment comprendre, à un certain niveau, l'innocence des civils armés des quartiers populaires, dénommés bandit



5 mns de lecture:

Bandits est une forme de personnalité très présente dans la société haïtienne depuis quelques années. De jours en jours, les troupes de bandits s'amplifient tout comme l'inquiétude des civils face à la montée excessive du phénomène de la violence. Pour certains , ce fléau est une résultante politique liée à la complicité de l'international, les armements, dont ils sont responsables. Mais de par cette allégation, ne serait-il pas également une dérive engendrée par la société elle-même, porté sur l'absence du sentiment d'appartenance social chez une catégorie de personnes exclues? N'aurait-il pas d'autres éléments déclencheurs ayant rapport à la vie sociale des individus? D'où la possibilité de jeter un coup d'œil sur le phénomène du banditisme, autrement qu'avant, il est impérieux d'aller analyser certains facteurs externes qui affectent le comportement d'un groupe de gens, vu comme des déviants (I). Et de regarder s'ils ne sont pas aussi victimes à un certain niveau (II).

 

I.- APPROCHES EXOGÈNES DÉTERMINANT LE BANDITISME:

Nul ne fait le mal volontairement, affirme Socrate. De par ce constat, il paraît légitime de parler des bandits en Haïti sur d'autres aspects. La violence n'est pas seulement liée à la quantité d'armes à feu en circulation sur le territoire national (A), elle résulte également d'un ensemble de faits sociaux ignorés(B).

 

A.- Situation critique des gens au sein des quartiers populaires:

Depuis des décennies, la population haïtienne se trouve en péril face à un système d'insécurité qui sévit sur tout le territoire national manifesté sur plusieurs formes: enlèvements, assassinats, vol, viol et autres... Mais face à ce fléau, on accuse souvent un groupe de personnes venant des quartiers dénommés zones de non-droits, habités majoritairement par des citoyens non éduqués, sans emploi, sans sou. Ces gens-là sont souvent sujets d'un ensemble de préjudices liés à leur zone de provenance, dits que quelqu'un est habité à Cité Soleil, Bel'Air, Martissant et à Village de Dieu c'est de le nommer bandit automatiquement. Cette qualification discriminante, parfois, sert de mobile à ces catégories de gens pour pouvoir se rendre conforme à ces déclarations conjecturales. Nonobstant, certains jeunes font la différence vis-à-vis de ces propos et s'exposent en pleine scène, dignement tant en Haïti qu'au milieu extérieur. Mais ça n'empêche que d'autres gens de cette même couche sociale se laissent emporter par les méandres de la vie d'ici comme le vent remporte les fatras de la nature à la mer, et finissent par se sentir rejeter du tissu social, par le fait qu'ils ont été éloignés de la jouissance de toute privilège de la société et des droits fondamentaux qui leur sont inhérents. Les quartiers populaires dits "ghetto" n'ont pas d'établissements scolaires adéquats, les élèves reçoivent une éducation au rabais, pas assez d'écoles professionnelles, ils sont livrés à eux même. Ils entendent parler de l'Etat seulement à la radio et remarquent sa présence lors des élections et avec les multiples opérations policières menées à l'enceinte des bidonvilles. Comme ça la vie en communauté s'estompe progressivement, certains sont des nantis et d'autres des démunis aux yeux d'un seul État qui serait là pour défendre et garantir l'intérêt collectif. D'une part, une frustration féroce est créée de façon automatique chez les gens des quartiers défavorisés contre ses semblables. Au lieu de voir les dirigeants comme le monstre, ce sont ceux qui ne partagent la même condition de vie qu'eux-mêmes qui représentent la principale cible. Et à ce moment ils se trouvent entre l'enclume et le marteau d'où le seul recours c'est de venger leur sort face à la société pour dégager leur rancune, nourrie par le mépris social. Sur ce fait, les hommes politiques dans leur pratique perverse leur confèrent une légitimité gratuite dans leurs actes, pour les aider à gérer leurs campagnes. Ils portent le nom de "Commandant; général; chef" et passent pour les plus respectueux de la zone, inconsciemment les autres jeunes qui partageaient la même condition de vie que ceux qui deviennent bandits, les rejoignent tout comme les poussins poursuivent la poule.

 

B.- Les bandits sont aussi victimes du banditisme:                                                      

La majorité des cas de crime causés par certains des bandits sont incités par des substances psycho-actives pour ne pas avoir toute leur lucidité au moment de la commission du crime. De l'héroïne, de la cocaïne, de la marijuana sont parmi des substances souvent consommées par les bandits, si on fait confiance aux dires d'un ancien membre de gang opéré à cité-soleil, rendus à Ayibopost, et ce n'est pas un secret pour personne qui suit attentivement le comportement des gens violents et agressifs, qui consomment sans de la drogue. De nombreuses études ont été menées pour montrer que la consommation abusive de la drogue mène à la délinquance, en France une recherche conduite par Kensey et Cirba en 1980 démontre que 10,7 % des personnes incarcérées ont consommé une drogue au moins deux fois par mois dans les trois derniers mois qui ont précédé leur incarcération, voire Haïti d'où il y a aucun contrôle sur ce phénomène. Il n'y a pas que les substances nocives pouvant pousser à endommager les biens et les vies, les musiques faisant promotion pour la violence sont des pierres angulaires dans l'instauration de la violence dans la société puisque les artistes donnent déjà un caractère légitime à ces actes. C'est dans la psychologie humaine d'extérioriser, de matérialiser ce que l'esprit consomme, c'est ce qu'on appelle en psychologie le catharsis. Avec les messages portés dans les clips musicaux, le phénomène de la violence intensifie, surtout au niveau des quartiers populaires où il n'y pas des mesures restrictives appropriées à l'écoute des musiques qui incitent la violence et certaines fois qui se moquent du genre féminin.

Les bandits sont devenus esclaves de leurs propres actions posées, quand ils deviennent reconnus par la majorité de la population, ils sont obligés de restreindre leur liberté tout seuls comme ils faisaient avant aux autres citoyens, qui ne pouvaient pas circuler librement dans le souci de ne pas se faire enlever, violer, voler par les gangs qui ont diverses méthodes opératoires. Ils se sont privés d'un droit qu'ils nous ont privé également, ils aimeraient aller à Champs de Mars en plein jour pour admirer les statues des héros de l'indépendance sur les places, de monter dans les hauteurs de Pétion-ville, accompagnés des amis pour aller palabrer sur la place de Saint-Pierre, d'aller au restaurant, visiter de nouveaux endroits. Mais hélas, ils sont limités non seulement par la clameur publique et les forces de l'ordre, mais également par d'autres troupes de bandits qui opèrent dans les quartiers avoisinants qui veulent les tuer.

 

L'homme est le produit de son milieu et est appelé à vivre éternellement dans un environnement grégaire. Si les gens des quartiers populaires sont devenus aujourd'hui des hommes dangereux c'est parce qu'on les a construits pour en devenir, déjà à leur enfance ils symbolisent l'innocence. Ces déviants étaient à leur très jeune âge le chouchou de leurs parents, de leurs voisins, de la communauté, avant de se faire armé illégalement l'avenir du pays était reposé sur eux, les plus âgés croyaient en eux même si aucun itinéraire n'a été tracé. Ça fait des années, on a pourchassé, arrêté et  même parfois, certains des bandits ont trouvé la mort sur le champ de bataille, et on a compté beaucoup de cas pareils pendant ces deux dernières décennies et malgré ça le maudit arbre continue à donner fruits. Alors on aurait raison de déduire que la bataille ne devrait pas mener contre les bandits mais le système établi. Le système établi c'est l'existence de l'État qui n'est pas au service de la société, le système c'est la conception sociale exclusive, le champ libre pour le mercantilisme impitoyable, sans conscience. Un nouvel État avec une nouvelle jeunesse consciente doit surgir pour mettre fin à ce fléau, car la solution implique la participation de tout le monde, or déjà nous en sommes tous victimes du système, en l'occurrence du banditisme.                      

 

 

 

Nous ne saurions penser que le sujet a été totalement analysé sur cet angle, relatif à l'absence du sentiment d'appartenance sociale chez les gens des quartiers populaires qui sont souvent mal vus et qui causent d'ennuis aux autres citoyens. Comme se veut croire la logique, la science c'est la participation et on est en droit d'avoir cru apporter notre pierre dans la construction d'un champ de savoir rigoureux et d'encourager les autres à émettre des réflexions sur des sujets multiples et d'intérêt général.

 

À noter que ce texte a subi une légère modification en vue d'améliorer sa pertinence.

 

Écrit par : Jean Fadens CHERON

                   Étudiant en Droit, lecteur.

                      STAFF COM-BDN



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