La Constitution haïtienne de 1987, par son
adoption, a rendu souverain le triomphe du peuple dans ses luttes infernales
menées contre les comportements et agissements arbitraires caractérisant un
régime despotique et tyrannique qui a perduré environ trois longues décennies.
De cette adoption s'ensuit un régime politique différent qui n'est autre que la
Démocratie vue comme la solution de tous les maux causés par le régime des
Duvalier. Nous assistons, ces récentes années, à des averses de protestations déversées
sur la Constitution haïtienne de 1987, d'ailleurs, coordonnées et soutenues par
divers couche et acteurs composant la structuration de la vie politique
nationale. Convient-il, désormais, non de rôder autour de la question mais de charpenter
notre réflexion autour d’une éventuelle faillite de la Constitution dans son
application ou du moins ne peut-on la considérer, dans notre analyse, comme étant
un élément qui s'est approprié des caractéristiques d'un échec prémédité ?
Peut-on lui imputer la responsabilité d'avoir accouché le règne de précarité qui
gangrène la société actuelle ? Dans notre raisonnement nous allons d’abord
présenter l'œuvre constitutionnelle comme un recueil de droits et de libertés
(A) ensuite démontrer l'application partielle de la norme constitutionnelle par
les autorités étatiques (B).
A) La Constitution haïtienne de 1987 : un
recueil de droits et de libertés.
L'élaboration des premières constitutions
ne mettait pas un accent important sur la question des libertés et des droits
de l'individu. Car, à cette époque, devaient essentiellement dégager d'une
constitution des règles se rapportant à l'organisation et à l'exercice des
pouvoirs publics; dans ce sens,
elle avait l'impérieux objectif d'encadrer la politique. À partir du XVIIIème
siècle, la définition de la démocratie proposée par le Président américain
Abraham Lincoln a su orienter les pas et canaliser l'esprit de toutes
constitutions démocratiques vers un champ du libéralisme avec le peuple comme
élément central. Il s'avère incontestablement essentiel de considérer la
majestueuse importance de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, dans
un texte constitutionnel par le biais de son préambule. Dans cette optique, une
Constitution se voit dans l'obligation d'assurer la promotion de l'individu
qui, outre le pouvoir politique, en est devenu un objet indispensable. Il est
donc jugé indispensable de limiter les actions des pouvoirs publics pour
assurer sa protection vu que l'individu s'installe au centre de la Constitution
assimilé dans la perspective du courant du <<Constitutionnalisme>>.
On relate inlassablement au cours de la seconde moitié du vingtième siècle le retard d'Haïti dans plusieurs domaines, sans oublier les inquiétudes nourries par plus d'un de part son absence injustifiée dans plusieurs révolutions, principalement dans la révolution industrielle. En dépit des difficultés qui ont jonché le cours de son histoire politique, le pays s'est retrouvé dans la nécessité de s'inscrire dans une démarche logique afin de revendiquer l'élaboration d'une œuvre constitutionnelle capitale qui pourra, dans les années futures, être un agent de normalisation pouvant limiter les actions de l'État contre les individus qui pourraient être arbitraires. Pour s'y faire, les constituants ont pris le soin de consacrer un chapitre entier, le chapitre 2, aux droits relatifs à la personne humaine. La réitération du caractère sacré de la vie humaine ainsi que son respect y sont inscrites, insérés, ...
Elle saisit dans les colonnes de ses articles la totalité des droits indispensables à la survie d'un individu. Pour mieux étayer sa position et faire asseoir sa volonté dans la valorisation de ce droit, la Constitution en son article 20 abolit la peine de mort. Chaque individu indistinctement doit pouvoir jouir de ses droits inhérents.
Se contenter d'édicter et d'énoncer des
règles qui promeuvent les droits individuels sans pour autant édifier des
structures et mettre sur pied des institutions dont la mission principale serait
de garantir leur respect aurait fait de la Constitution une œuvre incomplète.
C'est pourquoi, à titre d'exemple, l'idée illustrée à l'article 23 de la
Constitution oblige la construction des hôpitaux et centres de santé pour
protéger le droit à la santé, un devoir de l'État envers ses citoyens.
L'individu n'envisage pas, dans un État de
Droit, d'endosser l'engagement primitif quant à sa sécurité personnelle, en
vertu du contrat qu'il a établi avec l'État. Sur ce, la libre circulation des
individus et des marchandises ne devrait pas être un privilège de jouissance
pour une catégorie sociale déterminée notamment pour les détenteurs des pouvoirs
économiques et sociaux. Mais, en tant que l'une des missions régaliennes de
l'État, le bénéfice de jouissance appartient à tous. Partout, au sein de tout groupement social,
existent des costumes, des pratiques, des connaissances qui lui sont propres,
leur transmission est assurée par l'enseignement. La loi mère, dans le souci de
veiller à la bonne transmission du savoir, en fait un sacerdoce. Dans ce sens,
elle peut s'octroyer la réputation d'être l'œuvre constitutionnelle la plus
complète au monde pour avoir fait la prééminence des libertés et des droits de
l'homme.
L'État a pour objectif premier de remplir
les missions qui lui sont confiées par la Constitution haïtienne de 1987. Peu
importe le statut ou le rang social d'un individu, il est passible de la
jouissance des prérogatives de protection et d’accès à l'administration
publique. De cette idée découle, la notion d'égalité. Le principe est
formellement inclu dans l'article 18 de ladite Constitution. Les situations
difficiles qui jonchent le quotidien de l'individu portent atteintes à son
intégrité physique et morale. La résolution à ce problème serait le
renforcement des organes de protection tels le renforcement de l'Office de
Protection du Citoyen, les organes chargés de protéger les droits des humains.
Parallèlement, l'accomplissement de ces actions par l'État matérialiserait sa
volonté et sa mission d'entretien des dits droits.
Exceptionnellement, la réalité des droits
de l'homme en Haïti est bien plus qu'illusoire. La société haïtienne est alors
tombée dans un abîme de violation continue des droits. Les droits humains sont
bafoués, violés, piétinés,.. par des comportements antisociaux de certains
individus et au grand étonnement par l'État qui revêt l'allure de garant, conséquence
de l'inapplication des textes constitutionnels. De là apparaît un paradoxe
difficilement réfutable.
Les agissements de l'État prouvent sa
souple responsabilité à remplir l'obligation dont la Constitution lui a
investi. Car, de lui, s'éloignent les volontés de recourir à la répression des
violations des droits individuels. En outre, sa passivité dans la réalisation
de cette mission cruciale témoigne de l'érection d'un Léviathan qui accepte de
faire briller son absence par son impuissance totale et complète. Il n'est pas
un secret pour personne que l'État actuel, par la prolifération sur toutes les
formes des actes de violences perpétrées quotidiennement dans la société
haïtienne, refuse toutes initiatives de nouvelles stratégies de contrôle et de
protection effectives des droits et des libertés.
B)L'application partielle de la norme
constitutionnelle.
Mentionnée à l'article 59 de la
Constitution, a vu le jour avec la Constitution américaine et s'est trouvé inscrit
sous la plume de Montesquieu, la théorie de la séparation des pouvoirs délègue
à chaque pouvoir une spécialisation. L'exercice de la séparation des pouvoirs
s'opère dans le cadre des limites tracées par la norme constitutionnelle. Par
ailleurs, faut-il faire le point sur l’endossement de l'intégrale
responsabilité des dirigeants de l'État haïtien dans les circonstances
actuelles.
A l'image d'une quelconque religion
organisée qui s'articule autour des valeurs prescrites dans un document sacré
conditionnant les actions et les comportements de ses adeptes, conformément à l'illustration
reproduite par le Christianisme, les conceptions produites à l'égard de la
Constitution ne serait nulle autre pareille. Par conséquent, l'impérative
nécessité pour les prescrits de la Constitution d'être vus, appréciés et
appliqués n'est que dogmatique même si, avant toute considération, cette œuvre
humaine serait, comme toute autre, imparfaite.
Selon la théorie de la séparation des
pouvoirs, la compétence de chacune des branches du pouvoir ne doit pas dépasser
les frontières de ses attributions. Ainsi, les pouvoirs et les gouvernements
ont l'obligation de poser des actions en coordination parfaite avec la norme
fondamentale. Le pouvoir législatif rédige les lois, le pouvoir exécutif
exécute et applique les lois enfin le pouvoir judiciaire interprète les lois.
De ce fait, la concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul organe est
ineffective, l'indépendance d'un pouvoir au détriment des autres est réalisée.
Autrement dit, la concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul individu
est inconcevable.
Est clairement insérée dans les lignes de
la Constitution démocratique de 1987 le principe consacrant l'État de droit. Les actes posés par les autorités
politiques publiques, qui sont des actes juridiques, doivent respecter l'ordre
juridique national plus particulièrement la Constitution qui couronne cet
ordre ; les autorités sont tenues de respecter la Constitution, de veiller à
son respect et de forcer son respect. Ces dispositions, depuis l'amendent de la
Constitution en 2010, doit être assurées par le Conseil Constitutionnel qui, en
ce moment même, n'existe pas dans notre réalité juridico-politique. Or, on se
demande si l'application de ce principe a-t-elle traversé les 37 années de
notre histoire sous l'égide de ladite norme essentielle ?
Les règlements en Haïti ne font pas
toujours l'objet de respect non seulement par les citoyens également par les
autorités que ce soient ceux des institutions privées que publiques. Ceux qui
se vantent de leur appartenance à la classe élitiste ne peuvent faire preuve
d'aucun respect pour les lois, voire pour la Constitution, en raison des
actions qu'elles commettent qui entrent en contradiction avec celles-ci.
Semble-t-il que l'infusion de l'éducation du respect des normes est étrangère à
la culture haïtienne. Ce qui constitue un obstacle à l'application de la
Constitution haïtienne de 1987. Agir en dehors de la Constitution, c'est
expressément ou bien tacitement agir avec un excès de pouvoir. Malgré l'odieuse
volonté de violer les édictions constitutionnelles, le poids de responsabilité de
la situation dystopique actuelle pèse sur les épaules de la Constitution. Or,
la transposition des Constitutions des pays développés dans la société
haïtienne, celle des États-Unis par exemple, ne produiront aucunement un effet
positif. Pour conclure, le problème ne réside pas dans la Constitution, au
contraire, faut-il commencer par l'appliquer dans son intégralité ; et
supprimer la volonté de l’appliquer en partie.
On s'étonne de la situation d'instabilité
politique et socio-économique chronique qui affecte lourdement la réalité
politique haïtienne. Pourtant, elle n’est pas inédite. Ce n'est qu'un perpétuel recommencement.
<<L'excès en tout nuit>> stipule cet adage. Implique que, à force
de résider régulièrement dans la commission des actes en inadéquation avec la
Constitution, le naufrage est à son comble puisque l'univers informel
s'apparente à la personnalité des responsables, des dirigeants qui ne sont, en
somme, compétents que pour l'incompétence. L'opinion commune fusionne autorités
et État ce qui déboucherait sur une sorte d'anthropomorphisme. Cependant, ils
se diffèrent bien plus qu'ils ne se ressemblent.
Ne pourrait-on pas se demander si la
Constitution de 1987 existe-t-elle réellement ? Une question
étonnante ! Une question à laquelle vous n'y avez pas probablement pensé. Au
contraire, elle est bien plus que pertinente. L'article 16 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 stipule :<< Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.>> En conséquence,
sont cumulatives l’assurance de la garantie des droits et de la séparation des
pouvoirs sinon est illusoire l'existence d'une Constitution dans une société. De
là, la question posée au départ a toute son importance. Ainsi, peut-on caractériser
d'un échec une réalité qui n'aurait pas existé ? Et si elle existe,
comment peut-on prétendre militer pour son changement alors que c'est une œuvre
incomprise par les autorités à cause de l’immensité de sa grandeur. Les
autorités ont fait de cette œuvre un échec, elle est en quelque sorte victime
d'un échec partagé, prémédité. Elles n'ont pas pu l'appliquer à bon escient
pour parvenir à la concrétisation du développement durable et n'ont pas pu être
de véritables protecteur de la souveraineté nationale. À ne pas oublier que la
démocratie est avant tout un objectif et un moyen de développement durable.
Bon nombre de ceux qui revendiquent une
nouvelle Constitution, ignorent le vrai sens d'une Constitution; il arrive
qu'ils ne réservent pas du temps pour faire connaissance avec le moindre
article. Ils se mettent à l'affût pour répéter des discours amers qui tachent
cette œuvre emblématique. Avec cette attitude simisque, ils ne font
qu'alimenter la machine de la spéculation. La Constitution n'est pas pour
autant une œuvre parfaite, elle doit constamment répondre aux besoins de la
société.
Somme toute, une Constitution prend en
compte les réalités actuelles d'une société, à fortiori d'un État, alors, en
raison de son application en partie voire son inapplication , considérant ainsi l'émergence de nouvelles
réalités mondiales qui influencent la société de nos jours, ne laisserons-nous
pas la porte grande ouverte à un amendement ou à une révision de la
Constitution haïtienne de 1987?
Djouve Louis Gerald BATAILLE, étudiant en
Droit à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de l'Université d'État
d'Haïti.

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